Pour le sixième séminaire en ligne de MSPglobal – le premier en anglais – organisé le 6 mai 2020 sur le thème « Comment garantir les principes de l’approche écosystémique dans le contexte de la planification de l’espace marin (PEM) », plus de 300 participants de plus de 45 pays différents se sont joints à l’événement.
Selon un sondage lancé lors de l’événement, 32% des participants n’avaient que des connaissances de base sur la thématique du séminaire, tandis que 50% avaient une expérience solide et 18% se considéraient comme des experts.
Le public a eu l’occasion d’écouter le point de vue de cinq intervenants différents :
- Ant Turkmen, Ecological Research Society (Turquie)
- Shannon Hampton, Institut international de l’océan (Afrique du Sud)
- Luke McEachron, Commission de conservation de la faune et des poissons de Floride (Etats-Unis)
- Lisa Sousa, Centre d’études environnementales et marines – CESAM et Département de l’environnement et de la planification, Université d’Aveiro (Portugal)
- Janica Borg, Bureau des politiques européennes du WWF
M. Ant Turkmen a présenté deux exemples de gestion écosystémique (« ecosystem-based management » – EBM) dans le cadre de la PEM développée en Turquie : le golfe d’Iskenderun et la baie de Gokova. Dans la première région, où valeurs environnementales et activités économiques convergent, des études écologiques ont été menées afin de préparer une carte de sensibilité environnementale pour chaque zone d’habitat. La plupart de ces études ont été réalisées dans le cadre d’évaluations de l’impact sur l’environnement (EIE) pour des projets de pipelines ; en outre, des plans d’intervention d’urgence en cas de marée noire ont été préparés sur la base de ces études écologiques.
Dans la baie de Gokova, des zones interdites à la pêche ont été mises en place et gérées en étroite collaboration avec les pêcheurs locaux. Des cartes détaillées des habitats ont été élaborées afin d’enregistrer les principales espèces, la production de poissons et les habitats d’alimentation. L’évolution des espèces de poissons d’importance économique a été suivie pour comparer les résultats entre les zones interdites à la pêche et les zones de pêche. Un an après la création de la zone d’interdiction, l’abondance totale de poissons avait augmenté de 27%.
Mme Shannon Hampton a présenté le projet Mami Wata, qui vise à développer une approche de gestion intégrée de l’océan en Afrique de l’Ouest, centrale et australe via des activités de renforcement des capacités et d’échanges de connaissances grâce à trois outils différents (zones marines d’importance écologique ou biologique – ZIEB, rapports sur l’état du milieu marin – EEM et processus de PEM) en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Bénin.
Pour la composante PEM du projet, le travail est basé sur le guide « PEM : Une approche par étapes de la gestion écosystémique » de la COI-UNESCO. Dans la mise en œuvre des 5 premières étapes, le projet souligne l’importance d’inclure les parties prenantes dès le début ; cependant Mme Hampton a noté le défi significatif lié à l’intégration des données et informations des acteurs locaux, qui contribue grandement à l’efficacité de la PEM. Enfin, l’un des enseignements tirés est que la PEM devrait inclure une approche adaptative dans le cadre d’un plan de gestion intégrée de l’océan, qui lui-même comprendrait également des outils non spatiaux.
M. Luke McEachron a présenté le cas du sanctuaire marin national des Keys de la Floride, pour lequel la Commission de conservation de la faune et des poissons de Floride (FWC) est chargée de gérer les poissons et la faune sauvage pour leur bien-être à long terme, ce qui nécessite intrinsèquement une approche de gestion écosystémique.
En 2019, la FWC était chargée de rendre compte de l’état des ressources biologiques pour évaluer l’efficacité des zones de gestion établies et si les nouvelles zones auront un impact sur les ressources biologiques. Le principal défi était de gérer un grand volume de données, en particulier du point de vue des écosystèmes, en tenant compte des différents types de données et éléments d’écosystèmes utilisés par les différentes institutions. Pour surmonter ce défi, elles ont développé des partenariats, établi des normes et créé des modèles d’écosystèmes.
Mme Lisa Sousa a fait part de l’expérience d’EBM dans le processus de mise en œuvre de la PEM au Portugal. L’EBM a été l’un des principes directeurs lors de l’élaboration du plan de situation portugais, avec d’autres principes tels que la gestion adaptative, la gestion intégrée, l’approche de précaution, etc.
Plus spécifiquement, le CESAM a été impliqué dans l’évaluation stratégique environnementale (ESE) relatif au plan de situation. Les pressions exercées par les utilisations du milieu marin sur l’environnement ont été identifiées conformément à la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » de l’Union européenne. L’étude a évalué le degré d’exposition ainsi que l’interaction entre la pression et les zones et espèces protégées. Chaque fois que l’impact a été jugé significatif, des mesures d’atténuation ont été identifiées et intégrées au plan ; lorsque le résultat n’était pas connu, le principe de précaution était privilégié. En outre, l’entité responsable de la mise en œuvre de la PEM et de la directive-cadre européenne au Portugal est la même, un véritable atout pour appliquer la gestion écosystémique dans la PEM.
Mme Janica Borg a présenté une note d’orientation du WWF publiée en février 2020 pour soutenir et guider les pays et régions dans l’élaboration de plans spatiaux marins basés sur les écosystèmes. Parmi les principales suggestions figurent la nécessité d’établir des objectifs mesurables et de réaliser des études sur les impacts cumulatifs pour toute la durée de vie des nouvelles activités, l’importance des EIE et des ESE et la nécessité d’adopter le principe de précaution lorsqu’il n’y a pas de certitude quant aux impacts.
Ces actions soutiendront l’économie bleue durable et les investissements financiers en faveur de solutions durables. Pour y parvenir, le processus doit inclure toutes les parties prenantes, être transparent, itératif et adaptable et envisager des consultations transfrontalières. Les plans doivent s’aligner sur les autres législations maritimes : il est important qu’il n’y ait pas de divergence. Le WWF recommande que la PEM soit contraignante pour éviter que les autres directives européennes passent outre au processus.
Les recommandations suggérées par le public pour améliorer l’application des principes de l’EBM dans la PEM ont été les suivantes :
- Développer un processus transparent dans lequel toutes les parties prenantes sont engagées de manière égale afin d’établir une relation de confiance
- Promouvoir la formation et le développement des capacités dans les institutions en charge de la PEM
- Accroître la sensibilisation et améliorer l’éducation, la communication et le dialogue
- Améliorer la coordination et la coopération entre les institutions ayant des intérêts en mer et avec celles sur terre dont les activités pourraient avoir une incidence sur la mer
- Susciter la volonté politique et faire des principes de l’EBM une priorité nationale
- Accroître la recherche, améliorer la collecte de données, établir des normes et un ensemble holistique d’indicateurs environnementaux ainsi qu’une surveillance efficace
- Renforcer la coopération entre le monde universitaire, les autorités et la société
- Etablir des évaluations écologiques à long terme et une gestion adaptative flexible
- Elaborer une étude sur les impacts cumulatifs avant la formulation des scénarios de planification
- Affecter davantage de ressources à l’opérationnalisation de l’EBM dans la PEM
Regardez les présentations des intervenants ci-dessous :
La prochaine activité en ligne de MSPglobal aura lieu en français le 13 mai et portera sur l’intégration de la gestion intégrée des zones côtières et de la planification de l’espace marin.
DOCUMENT :
Comment intégrer EBM et PEM
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